Danse Eternelle

Danse éternelle : l’histoire des big bands en Belgique

par Matthias Heyman

 

Le 21 mars 1991, le big band de la BRT (Belgische Radio- en Televisieomroep, la radio-télévision publique flamande) cessait ses activités. Même si c’était prévisible, ce fut un choc pour bon nombre d’amateurs de jazz mais aussi pour beaucoup de musiciens.

L’une des conséquences de l’arrêt du Grote Big Band de la BRT “fut de nous donner l’envie de continuer à jouer avec des grands orchestres professionnels”, comme l’explique Frank Vaganée dans Bring It to The People (2020), le documentaire que Guy Fellemans a consacré au Brussels Jazz Orchestra.

Mais à toute fin correspond aussi un début, comme le dit le dicton. Frank Vaganée, Marc Godfroid et Serge Plume, qui avaient tous eu l’occasion de se faire les griffes au sein du big band de la BRT, ne sont pas restés les bras croisés lors de sa dissolution. “Et si on montait notre propre orchestre ?”, se souvient avoir pensé Serge Plume dans le documentaire. Le reste fait partie de l’histoire.

Dans ce long format, que vous soyez un fan hardcore du BJO ou totalement novice, vous allez faire la connaissance des illustres prédécesseurs du Brussels Jazz Orchestra. Quelles formations sont nées dans notre pays ? De quand datent les premiers big bands en Belgique ? Y avait-il des Belges qui jouaient dans les big bands au niveau international ? Les réponses à ces questions — et à bien d’autres — se trouvent dans les lignes qui suivent.

Les ADO (Amateur Dance Orchestras)

Dès les années trente et quarante, les big bands étaient légion aux Etats-Unis. Chaque jour, des milliers de jeunes gens dansaient sur le swing des formations de grandes stars comme Duke Ellington, Chick Webb, Benny Goodman et Glenn Miller. Mais l’Europe n’était pas en reste : les grandes formations (idéalement, une quinzaine de musiciens, histoire d’avoir une chance d’être entendus dans des dancings bondés) y étaient également extrêmement populaires. Quasi en même temps que cette swing craze envahissait l’Amérique, la Belgique voyait apparaître ses premiers big bands. A l’époque, le jazz n’était déjà plus une nouveauté dans notre pays. Dès les années vingt, on pouvait entendre chez nous ce nouveau genre musical, que ce soit grâce à des formations américaines de passage ou bien des orchestres locaux. Beaucoup de jeunes, souvent issus d’une classe moyenne citadine, prenaient énormément de plaisir à s’essayer à ces nouvelles sonorités, souvent dans des groupes comprenant entre 4 et 7 musiciens. Certains de ces groupes ont à l’époque pris la dénomination de amateur dance orchestras ou ADO. Avec ses 9 à 12 musiciens, l’ADO était le prototype du futur big band.

C’est essentiellement à Bruxelles, qui était à l’époque la capitale du jazz, que ces ADO ont façonné des jeunes talents qui, plus tard, ont explosé au sein des grands orchestres swing.

La plus connue de ces formations s’appelait le Bistrouille ADO, qui a existé de 1920 à 1935. Dans ses rangs, on trouvait de futurs grands noms du jazz comme le pianiste John Ouwerx, le souffleur David Bee ou le trompettiste Peter Packay, des musiciens qui ressurgiront quelques années plus tard au sein des premiers big bands belges.

(vidéo) David Bee et Peter Packay sont surtout connus pour leur talent de compositeurs. Voici un enregistrement du Bistrouille ADO. Il date de 1930 et s’intitule Dixie Melody, c’est une composition de Peter Packay.

Bistrouille ADO in Dixie Melody

Malgré leur taille, on ne peut pas dire que ces ADO étaient de vrais big bands. Leur style était d’ailleurs largement inspiré du jazz des premiers jours, tel qu’il se pratiquait à Chicago et New York par les formations comme celles de Jean Goldkette, Paul Whiteman ou Fletcher Henderson. Les premiers big bands swing, dignes de ce nom, n’arriveront en Belgique qu’en 1935.

The Big Three

On considère en effet que c’est cette année-là que débute la période du swing en Belgique. Elle durera jusqu’en 1944. L’un des protagonistes principaux de ce nouveau mouvement, c’est le sax ténor Fud Candrix. On lui doit d’avoir rassemblé la fine fleur des musiciens qui évoluaient alors dans les meilleurs ensembles du pays. En 1937, Fud Candrix signe chez Telefunken,un label allemand pour lequel il enregistrera encore bien après le début des hostilités de 1940. On pouvait également l’entendre sur les ondes de la BBC. On le voit : dès cette époque, la réputation du big band de Fud Candrix dépassait déjà largement nos frontières.

(vidéo) Les nombreux enregistrements que cette formation réalisa donne une assez bonne idée de comment sonnait un big band belge à l’époque. Déjà, les compositions maison avaient la préférence, même si elles étaient encore largement influencées par les standards américains, comme on peut l’entendre dans Introducing Mr. Basie, un hommage au grand leader et compositeur Count Basie, une composition écrite par Coco Colignon, le pianiste de Fud Candrix.

Introducing Mr. Basie

Jean Omer (clarinette, saxophone) est surtout connu pour avoir ouvert Le Bœuf sur le Toit en 1938.  Ce club de jazz bruxellois, dans lequel on pouvait entendre la formation du patron, est vite devenu un repaire pour tous les fans de jazz. Pour y danser, c’était trop petit. Par contre, pour y entendre les meilleurs solistes, comme le sax ténor Jean Robert, c’était l’endroit idéal.

 

L’histoire de Stan Brenders commence à l’INR (Institut National de Radiodiffusion, l’ancêtre de la RTBF). Il y fait ses débuts comme pianiste classique dans le grand orchestre de la radio. A l’époque, le jazz n’a d’ailleurs pas sa place sur nos ondes nationales : la radio n’en diffuse que très peu et ne dispose pas d’un orchestre en résidence, comme c’était déjà le cas à la BBC depuis 1928.

 

Après des années de lobbying de la part des musiciens de jazz, l’institution cède enfin et crée l’Orchestre de Jazz de l’INR, sous la direction de Stan Brenders. On lui laisse royalement deux semaines pour composer son équipe et maîtriser un répertoire suffisant pour pouvoir animer tous les jours tel ou tel programme. Un défi de taille qu’il relèvera haut la main. 

 

Fud Candrix, Jean Omer et Stan Brenders font vite partie de ce qu’on appellera les big three, et leurs big bands respectifs tiendront le haut du pavé, non seulement en Belgique mais rapidement bien au-delà.

Mais notre pays compte à l’époque bien d’autres formations professionnelles, comme par exemple celles du souffleur Gene Dersin ou du trompettiste Robert De Kers. Certains solistes sont également sollicités par des formations étrangères, comme le trompettiste Gus Deloof (chez Ray Ventura & Ses Collégiens) ou le tromboniste Marcel Thielemans — aucun rapport avec Toots — au sein du Ramblers Dansorkest aux Pays-Bas.

 

Radio Bruxelles

Lorsque la Belgique est envahie par les Allemands en mai 1940, la vie du jazz ne s’arrête pas, contrairement à ce qu’on croit encore aujourd’hui. Bien que l’idéologie nazie réfute clairement le jazz, il règne alors en Belgique une grande souplesse à cet égard. C’est ainsi que les grands orchestres étaient autorisés à se produire, à enregistrer et à diffuser leurs œuvres à la radio (sur les ondes de l’antenne nationale désormais nazifiée), Radio Bruxelles (en allemand Sender Brüssel).

Il y avait des règles, par contre : les “effets jazz” devaient être évités, et les compositions originaires de pays “ennemis” étaient proscrites. Règles que les musiciens s’empressèrent de contourner, notamment en francisant ou germanisant les titres des compositions ayant un  titre anglais (St. Louis Blues devenant par exemple Lied vom blauen Ludwig). Au final, non seulement le jazz n’a pas été bridé durant la guerre, mais il s’est même déployé et a atteint à cette époque une maturité artistique sans précédent.  

(vidéo) Voici une illustration de la liberté totale dont jouissaient les big bands en temps de guerre : en 1942, les formations de Stan Brenders et Fud Candrix donnèrent une série de concerts avec Django Reinhardt comme soliste invité. Ils ont également enregistré des disques à la même époque, comme par exemple ce Dynamisme (appelé également Modernes Tempo), une composition de Arthur Saguet, qui jouait du sax dans le big band de Stan Brenders.

Dynamisme (aka Modernes Tempo)

Lorsqu’arrive la libération de la Belgique, dès 1944, l’apparente collaboration (plutôt économique que politique, d’ailleurs) de Brenders, Candrix et consorts leur revient en pleine figure. Il y avait en effet eu quelques épisodes marquants.  L’orchestre de Fud Candrix avait par exemple, en 1942,  interprété In the Mood (devenu en allemand In guter Stimmung) au Delphi-Palast de Berlin, devant des centaines de soldats de la Wehrmacht. On pourrait certes considérer cela comme un subtil acte de résistance, mais à la Libération, cela fut interprété de manière beaucoup plus négative.

Brenders fut même inquiété par les tribunaux chargé de juger les collaborateurs, et fut d’ailleurs renvoyé sur le champ de l’INR, alors qu’il avait été finalement blanchi par la justice.

La plupart des grandes formations disparaîtront d’ailleurs dans les années d’après-guerre : malgré le supposé “miracle économique Belge”, il était devenu trop onéreux de maintenir en vie ces grands orchestres. C’est la fin de l’âge d’or du swing en Belgique.

 

La flambeau du jazz

Avec le renvoi de Stan Brenders, l’INR perd un meneur, un rassembleur. Et il ne se trouvera personne pour suivre son exemple et remonter un big band. Il faudra attendre les années 50 pour voir le genre revenir à l’antenne, avec de nouvelles formations. C’est d’ailleurs, cette fois, davantage du côté francophone que cela se passera. En 1955, Henri Segers, qui avait joué du piano chez Jean Omer, monte un orchestre qui faisait à la fois de la variété et du jazz. La section néerlandophone de l’INR suivra un an plus tard (à partir de 1960, on parlera dorénavant de la BRT, puisque les deux institutions seront dorénavant scindées). Côté flamand, c’est le tromboniste Francis Bay qui crée son orchestre pour le compte de la radio publique. Les deux orchestres s’illustreront essentiellement dans le domaine de la variété, en collaborant notamment avec des artistes populaires comme Jo Leemans ou le “Sinatra belge” Maurice Dean.

De son côté, l’orchestre d’Henri Segers était davantage orienté jazz. Il faut dire qu’il avait recruté de grands talents nationaux, comme le sax alto Etienne Verschueren, le trompettiste Herman Sandy et le bassiste Roger Vanhaverbeke. Du côté de chez Francis Bay, on retrouvait des pointures comme le guitariste Freddy Sunder, le trompettiste Edmond Harnie ou Benny Couroyer (sax).

(vidéo) Faire coexister variété et jazz ? C’est possible, comme en témoigne ce Side by Side, une émission de 1965 avec l’orchestre d’Henri Segers et ses invités : Fats Sadi et Maurice Dean.

Side by Side

En 1965, Henri Segers jette l’éponge.  La RTB prolongera l’expérience avec son Orchestre des Variétés, mais aussi en s’associant étroitement avec Sadi (vibraphone et chant), l’un des musiciens belges les plus connus à l’époque Il apparaissait occasionnellement à la télévision en compagnie de son Sadi Big Band. Il animera même plus tard son propre programme sur les ondes de la RTB : le Sadi Show.

Et pourtant, c’est plutôt la BRT qui animera la flamme du jazz en Belgique. En 1963, son Amusementsorkest est scindé en deux : le Tv-orkest, sous la direction de Francis Bay, et le Radiodansorkest, que dirigera temporairement Charlie Knegtel, un ancien trompettiste de la formation de Francis Bay. Deux ans plus tard, c’est Etienne Verschueren qui prendra le relais.

Et bien que les deux orchestres soient encore obligés de jouer de la variété - c’était dans le cahier des charges - l’orchestre de la radio migrera doucement mais sûrement vers le jazz, notamment sous l’impulsion du producteur radio Elias Gistelinck (qui n’est autre que le père de David Linx). C’est ainsi qu’on retrouvera l’orchestre sur la scène du Middelheim dès 1969 (tout comme le BJO plus récemment). Pour la petite histoire, signalons que c’est au même Elias Gistelinck qu’on doit la création du Middelheim.

A cette époque, l’orchestre apparaissait sur les affiches sous le nom de BRT Jazzorkest. Il faudra attendre 1977 pour que cette appellation soit consacrée, année durant laquelle la BRT formera en son sein les premiers big bands qui avaient tout loisir de se consacrer uniquement au jazz. Dès les années 60, par contre, des formations faisaient déjà le bonheur des fans de jazz, mais il fallait les chercher ailleurs que sur les ondes nationales.

 

Le Clarke-Boland Big Band

Dans les années 50, on l’a vu, le monde européen des bigbands de jazz était intimement lié aux radios nationales. Et quand ils n’émargeaient pas au service public, il s’agissait davantage d’orchestres formés pour des occasions précises, ou alors c’étaient des amateurs. En Europe, le principal big band qui n’opérait pas dans la mouvance d’une radio nationale avait d’ailleurs quelques Belges en son sein : le Clarke–Boland Big Band (CBBB). Francy Boland est un pianiste, compositeur et arrangeur belge qui, dans les années 40 et 50, faisait notamment partie des Bob Shots (avec, entre autres, les saxophonistes Jacques Pelzer et Bobby Jaspar). On l’a également entendu en compagnie du sax tenor Jack Sels et du trompettiste Chet Baker.

En 1961, aiguillé par le promoteur Gigi Campi, Francy Boland s’associe avec le batteur américain Kenny Clarke, qui vivait à Paris depuis 1956. Leur projet : un énorme bigband paneuropéen. La formation accueillera des expatriés américains  (comme les trompettistes Benny Bailey et Idrees Sulieman) et la crème des solistes européens (comme par exemple les deux saxophonistes britanniques Ronnie Scott et Tony Coe). Quelques Belges feront également partie de l’aventure, comme Sadi, Edmond Harnie, le tromboniste Christian Kellens et le contrebassiste Jean Warland.

Le CBBB, qui était basé à Cologne, réalisera bon nombre d’enregistrements durant les dix années de son existence et tournera de manière intensive dans toute l’Europe. On considère généralement que deux orchestres ont fait la pluie et le beau temps dans le monde depuis l'époque du swing : le CBBB ainsi que son pendant américain, le Thad Jones/Mel Lewis Orchestra. Créé en 1965, il prendra par la suite le nom de Vanguard Jazz Orchestra. Il existe toujours.

(vidéo) Avec ce Sax No End, Francy Boland a créé un écrin destiné avant tout à mettre ses saxophonistes en valeur : dans l’ordre Johnny Griffin, Tony Coe, Ronnie Scott, Sahib Shihab, Derek Humble et, pour finir, tous les cinq ensemble.

Sax No End

Le Jazzorkest d’Etienne Verschueren

Dans les années 70 et 80, l’avant-garde et la fusion règnent en maîtres. On ne trouve plus guère de big bands dans le paysage professionnel du jazz en Belgique. La BRT, toutefois, ne lâche pas l’affaire.

En 1977, le TV-orkest de Francis Bay et le Radiodansorkest d’Etienne Verschueren redémarrent et s’affirment comme deux ensembles jazz d’envergure, sous les noms respectifs de BRT Big Band et Jazzorkest van de BRT. Et voilà soudain que le service public flamand compte deux formations jazz complètes ! Les deux orchestres travaillent tant pour la télévision que pour la radio. A ceci près que c’est surtout le Jazz Orkest de Verschueren que le public retiendra, notamment car il se produit chaque année à Jazz Middelheim.

(vidéo) Il est difficile de trouver des enregistrements de ces deux formations, dont le nom était bien souvent “dissimulé” derrière le nom d’un soliste invité. Exemple ici avec Versad, une composition de Verschueren écrite pour Sadi.

Versad

Durant les années 80, c’est l’heure du départ à la retraite des deux leaders. En 1981, Freddy Sunder remplace Francis Bay à la tête du BRT Big Band. Et en 1985, le claviériste Bob Porter reprend la baguette de Verschueren au sein du Jazzorkest.

 

Act Big Band

C’est à la même époque que démarre un autre big band qui, lui, n’est pas lié à un émetteur national : l’Act Big Band. Il est fondé en 1978 par le batteur Félix Simtaine, qui en confie la direction musicale à Michel Herr.

L’Act Big Band était constitué de professionnels déjà renommés, comme le trompettiste Richard Rousselet et le saxophoniste ténor John Ruocco. Petit à petit, ils seront rejoints par la nouvelle génération, comme les sax ténor Erwin Vann et Kurt Van Herck. Et là où les deux formations de la BRT avaient tendance à se spécialiser dans un répertoire traditionnel, ici on innove et on laisse davantage la place à des compositions originales, amenées notamment par Michel Herr et par le trompettiste Bert Joris.

(vidéo) Voici Bert Joris à l’œuvre dans l’une de ses premières compositions au nom provocateur : Easy Fucksong, un morceau de 1986. On y entend Kurt Van Herck mais aussi ses futurs collègues du BJO Marc Godfroid et Serge Plume.

Easy Fucksong

Monter notre propre orchestre

Vers 2000, l’Act Big Band se dissout peu à peu. Mais pour beaucoup des musiciens qui sont actifs aujourd’hui en Belgique dans les grandes formations - y compris certains au BJO - le big band de Félix Simtaine fut un apprentissage très important.

Outre les ensembles jazz de la BRT et l’Act Big Band, d’autres grandes formations jazz faisaient à l’époque preuve d’une activité bouillonnante. Souvent au niveau local, dans des communes ou agglomérations, mais en connexion étroite avec le milieu professionnel du big band. Ces groupes étaient essentiellement composés d’amateurs ou de semi-professionnels, pour qui c’était généralement la première expérience en big band. Ainsi, dans les rangs du Big Band '86, placé sous la direction de Marc Godfroid depuis 1986, on verra apparaître Lode Mertens et Dieter Limbourg, tous deux futurs membres du BJO. Au sein du West Music Club, qui fut dirigé par Benny Couroyer de 1977 à 1988 puis par Richard Rousselet depuis lors, on verra passer Serge Plume, Laurent Hendrick et Bart Defoort. Créé en 1967 et toujours actif, le West Music Club est le plus ancien big band encore en activité en Belgique, et peut-être aussi en Europe.

Ce sont des orchestres comme Big Band '86 et le West Music Club qui survivent efficacement aux grandes formations liées au service public. En 1987, les deux orchestres de la BRT fusionnent en un seul et deviennent De Grote Big Band Formatie van de BRT. C’est Freddy Sunder qui est chargé de la direction du nouvel ensemble. Celui-ci portera le flambeau quelques années encore, assurant des prestations de qualité et avec un line-up cinq étoiles : à côté des “valeurs sûres” comme Marc Godfroid ou Bert Joris, on voit alors apparaître, en free-lance, des pointures comme Frank Vaganée, Kurt Van Herck ou Serge Plume.

En 1991, fin de partie. Le dernier big band de la BRT est dissous. Après 55 ans d’activité intense, sous la direction de personnalités telles que Stan Brenders, Henri Segers ou Etienne Verschueren, l’activité des big bands ralentit fortement en Belgique.

C’est alors que surgit cette idée folle : “ Et si on montait notre propre orchestre ?”. En se basant sur leur solide expérience acquise au sein des orchestres de la BRT,  De l’Act Big Band mais aussi de nombreuses autres formations, Frank Vaganée, Marc Godfroid et Serge Plume se tournent soudain vers le groupe Octurn. Ils estiment que la formation animée par Bo Van der Werf serait le tremplin idéal pour monter leur propre orchestre de jazz. Dont le nom deviendra… le Brussels Jazz Orchestra !

Mais l’histoire ne s’arrête pas avec le BJO. Ces dernières années, bon nombre de jeunes formations sont apparues, comme le Youth Jazz Collective, le Bravo Big Band et le Jazz Station Big Band. Le BJO a clairement un rôle de catalyseur pour cette jeune génération, même si la Belgique a toujours bénéficié de l’émulation et des relations entre les différentes formations.

Le résultat de cette riche histoire ? Aujourd’hui, les big bands se portent mieux que jamais dans notre pays, ils continuent leur danse ensorcelante. Une danse éternelle qui les pousse à avancer et à progresser, encore et encore.

 

Matthias Heyman - Université d’Anvers

Merci à Karel Cuelenaere, Frank Vaganée, Johan Favoreel, Lander Lenaerts, Koen Maes, Johan Vandendriessche et tout particulièrement à Hugo Sledsens, archiviste à la VRT. Sa connaissance détaillée des ensembles ayant œuvré pour le service public a été cruciale pour pouvoir suivre l’histoire de chaque formation à l’époque de l’INR et de la BRT.

 

 

Matthias Heyman

Matthias Heyman est le premier “docteur en jazz” en Belgique. Il mène actuellement ses recherches à l’Université d’Anvers dans le cadre du Fonds voor Wetenschappelijk Onderzoek (Conseil Flamand de la Recherche) et se consacre plus particulièrement aux concours de jazz, à la pratique de la musique populaire et à l’histoire du jazz belge. Comme contrebassiste, Matthias a notamment joué avec Toots Thielemans, Bert Joris et le Brussels Jazz Orchestra (dans le cadre de sa thèse de doctorat). Ses publications sur le jazz belge sont disponibles sur son site.